Résilience : 3 étapes pour lâcher prise et garder ton focus en match
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En match, dans un moment de grand stress ou de frustration, face à un problème qui t’empêche de te concentrer, t’a-t-on déjà dit de lâcher prise ? Et si oui, est-ce que tu t’es dit « ok, mais comment faire ? »
Très souvent, on se fait dire que pour performer en sport, on doit apprendre à lâcher prise.
Mais qu’est-ce que ça veut dire lâcher prise ? Y a-t-il quelque chose qu’on peut faire, concrètement, pour lâcher prise et demeurer performant(e) ? Est-ce que lâcher prise veut simplement dire de relaxer, ou respirer ?
Les joueurs d’ultimate sont des gens d’action. Pour chaque problème, faiblesse ou obstacle, on a tendance à travailler toujours plus fort pour vaincre, conquérir, contourner, surmonter. C’est pourquoi les concepts de relaxer, respirer, s’arrêter, attendre, observer, prendre une pause… ne sont pas toujours faciles à intégrer !
Il y a quelques mois, j’ai lu le livre The Inner Game of Tennis de W. Timothy Gallwey, dans lequel j’ai découvert une image qui m’a permis de mieux comprendre le lâcher prise. J’ai alors pu l’intégrer davantage au quotidien dans ma pratique sportive. Suite à cette lecture, j’ai performé en match de manière beaucoup plus constante, ma concentration s’est renforcée et j’ai expérimenté la zone à quelques reprises dans des moments-clé.
À qui parles-tu ?
Dans son livre, Gallwey pose la question suivante : lorsque tes pensées s’emballent et que tu commences à te parler à toi-même, à qui est-ce que tu t’adresses ?
Imagine que, dans ta tête, il y a deux personnes qui interagissent.
La personne qui parle. Gallwey l’appelle le Soi 1. C’est l’aspect de nous-même qui réfléchit, anticipe, analyse et veut contrôler.
La personne qui écoute. Gallwey l’appelle le Soi 2. C’est l’aspect de nous-même qui exécute de manière automatique, sans réfléchir.
Pour bien comprendre l’image de Gallwey, il est important de savoir que le cerveau est divisé en trois parties.
Dans ta tête, la personne qui parle – le soi 1 – c’est ton cerveau antérieur. C’est la portion consciente de ton cerveau, qui réfléchit, analyse, juge et critique. Et la personne qui ne parle pas – le soi 2 – c’est ton cerveau postérieur. C’est la portion inconsciente de ton cerveau, dans laquelle est inscrite ta mémoire musculaire.
Lorsque tu entraînes ta technique à l’entraînement, tu crées des habitudes. Dans ton cerveau, un circuit neuronal se crée, qui devient de plus en plus rapide et efficace avec le temps et la pratique. La technique entraînée et répétée des centaines de fois devient alors un automatisme. Tu n’as plus besoin d’y réfléchir, le mouvement est inscrit dans ton inconscient et ta mémoire musculaire.
C’est comme les enregistrements automatiques sur ton téléphone : plus besoin de te rappeler tes mots de passe pour accéder à tes applications, le téléphone les a mémorisés pour toi.
Par exemple, lorsque tu lances un disque, ton cerveau enregistre systématiquement des milliers de données : à quelle vitesse tu plies ton coude, dans quel angle tu fléchis le poignet, à quel moment tu laisses aller le disque, tous les angles de flexion et d’extension des hanches et des genoux, le synchronisme de chacune de tes articulations, etc. Toutes ces données sont compilées et tu peux ensuite y accéder de plus en plus rapidement, sans avoir à y réfléchir.
Il est impossible d’enregistrer de manière consciente toutes ces données. Nous serions surchargés d’informations ! Celui qui a la capacité de coordonner, d’organiser et de synchroniser toutes les données, c’est le cerveau postérieur. Et tout comme un ordinateur, ton cerveau postérieur a la capacité de traiter l’information de manière presque instantanée.
Toutefois, lorsque tu commences à réfléchir à ce que tu fais et à vouloir contrôler toutes tes actions, tu actives la zone antérieure du cerveau – la portion consciente. Tu désactives alors la zone postérieure et tu ralentis le traitement des données. Il y a alors une baisse de performance.
La bataille de l’ego
Que se passe-t-il quand tu commences à te critiquer et te donner des instructions ?
Imagine que tu débutes ton match, et que tu te sens calme et en contrôle. Tu sais exactement ce que tu dois faire et tu le fais bien. Bien sûr, tout n’est pas parfait, tu dois t’ajuster à certains moments, mais tu demeures concentré(e) et dans le moment présent.
Soudainement, quelqu’un s’approche de toi pour te critiquer et te donner des commentaires :
« Lève ton bras plus haut. »
« Ton lancer devrait être plus précis. »
« Tu aurais dû faire la passe à une autre joueuse. »
« Saute plus haut. »
« Tu es trop lent, les autres sont plus rapides que toi. »
Lorsque cela se produit, comment te sens-tu ?
Il est possible que ce genre de commentaires affecte ta concentration et crée de la tension. Il se pourrait que tu commences à douter, ou à te focaliser uniquement sur ton bras, ou sur ton positionnement.
Lorsque tu te parles dans ta tête, celui qui critique et te donne toutes ces instructions, c’est ton ego. Dès qu’une difficulté surgit, par exemple tu te fais briser sur la marque, ou tu rates un lancer, il a tendance à devenir frustré ou à paniquer, à perdre confiance et il tente de reprendre le contrôle. En faisant cela, il t’oblige à te focaliser sur certains détails qu’il croit les plus importants.
Ton ego est lié à ton mental, lui-même lié au cerveau antérieur.
Lorsque tu critiques et te donnes des instructions, le circuit neuronal (inconscient) des automatismes est interrompu par ton rationnel (conscient) qui tente de prendre le contrôle. Autrement dit, tu cesses de faire confiance à ta mémoire musculaire pour essayer de contrôler certains détails. Pour offrir une performance constante en match, ton ego doit lâcher prise et apprendre à faire confiance à tes acquis !
Pour garder ton focus en match, tu veux bâtir une nouvelle relation entre ton ego et ta mémoire musculaire. Tu veux ouvrir de nouveaux canaux de communication. Au lieu de te critiquer constamment, apprends à développer ta patience, pour laisser le temps et la place à tes automatismes de s’exprimer, ce qui te permettra de reprendre le contrôle en match.
3 étapes pour lâcher prise
Voici 3 étapes pour enseigner à ton ego à lâcher prise :
- Entre dans le flow
Lorsqu’il s’exprime, l’ego commente, juge et critique. Pour le faire taire, tu peux apprendre à pratiquer le non jugement pour entrer dans le flow. Cesse de te donner des dizaines d’instructions et de commenter chacune de tes actions. Demeure attentif(ve) à ce qui se passe, et concentre-toi davantage sur tes sensations physiques.
- Respire
La respiration a deux objectifs : tout d’abord, elle te ramène dans le moment présent. Lorsque tu respires, tu peux focaliser ton attention à différents endroits : porte attention à ton ventre qui gonfle et qui dégonfle, à l’air qui entre dans tes poumons, ou au son produit par l’air qui entre dans tes narines. Tu peux aussi compter mentalement - jusqu’à 4 à l’inspiration, jusqu’à 8 à l’expiration. La respiration te permet aussi de « sortir de ta tête » pour « revenir dans ton corps. » Lorsqu’on réfléchit beaucoup, on est moins dans l’action. Porter attention à tes sensations physiques durant quelques secondes est un bon moyen de retrouver ta technique et tes acquis.
- Visualise
Lorsque l’ego s’exprime, il juge les détails, la technique et le résultat. Au lieu de te focaliser sur ces éléments, reporte ton attention sur l’image globale et le ressenti de tes actions. Par exemple, au lieu de te concentrer uniquement sur la position de ton bras dans ton lancer, visualise la trajectoire du disque. Où veux-tu l’envoyer ? Dans quel espace ? Quelle courbe veux-tu dessiner ? Quel angle, ou quel effet veux-tu donner ? À quelle vitesse le disque voyagera-t-il ? Quel sera le ressenti de ton mouvement – fluide, dynamique, puissant ?
Crée une image visuelle claire et laisse ensuite ton inconscient faire le nécessaire pour l’atteindre. Concentre-toi sur la vision d’ensemble ; pas trop de détails, simplement voir, sentir et ressentir le résultat final. En visualisant l’image, ton cerveau mettra en place ce qui doit être fait pour arriver au résultat.
Lâcher prise
Lâcher prise, c’est apprendre à faire taire l’ego – responsable de la peur, de la frustration, et de l’insatisfaction – pour laisser une plus grande place à nos acquis et à nos automatismes. C’est cesser de paniquer et de vouloir tout contrôler lorsque tout ne se passe pas comme prévu, pour revenir au moment présent.
Lâcher prise, c’est passer de la réflexion à l’action, peu importe ce qui est arrivé dans le passé.
Lâcher prise, c’est aussi réaliser que des ajustements n’ont pas toujours besoin d’être planifiés de manière consciente, et que l’inconscient, grâce à sa capacité d’analyse phénoménale, a son rôle à jouer dans la performance.
Peut-être as-tu déjà vécu cette situation : aujourd’hui, ton équipe ne joue pas bien, vous multipliez les erreurs sur le terrain. Ton entraîneur donne des commentaires, des ajustements, mais rien à faire, vous sous-performez. À un certain moment, lorsque la frustration atteint son paroxysme, un changement survient : l’entraîneur cesse de commenter, et les joueurs se calment et deviennent presque apathiques… Puis, soudainement, la magie opère : vous allez chercher une défensive, vous marquez le point, et peu à peu, vous retrouvez le momentum.
Que s’est-il passé ?
Vous êtes entrés dans la zone neutre, puis avez enfin lâché prise.
Bon entraînement,
Guylaine